dimanche 19 avril 2009

Do I look Like I Sell Drugs?

Je n'ai jamais été victime du racisme.


Bon bien sûr, il y avait ce Jonathan D. à l'école primaire. Garçon brun aux yeux noirs, plus âgé que moi, toujours vêtu de vêtements aux motifs genre "camouflage militaire". Son père lui avait soi disant interdit de me fréquenter "parce que j'étais différent". Moi, naïf, je ne voyais pas en quoi j'étais différent. Bon okay, je portait des "chaussures de ville" et non des NikeAir, je préférais le Handball au sacro-saint Foot, je connaissais la capitale du Swaziland et fredonnais du Higelin quand d'autres se déhanchaient sur la Macarena. Dans un sens, j'étais donc différent. De la à ne pas m'adresser la parole...
J'ai fini par comprendre et ignorer les attaques du garnement. Puis il a voulu devenir mon ami au collège, car la génétique a voulu que je fasse 1m80 en quatrième, en général ça enlève pas mal d'ennemis potentiels, dans le monde de la testostérone naissante et du "j'vais-te-défoncer-à-16h15-après-la-techno" qu'est celui du collège.
En tout cas, j'ai refusé son amitié lâche et intéressée. J'ai voulu lui cracher au visage, mais je devais avoir la bouche sèche, la flemme ou de la pitié pour lui. Enfin bref, il a dû changer de collège ou mourir. Je ne sais plus, je m'en fous.

Depuis, pas grand chose à se mettre sous la dent. Ah si, y avait bien ce type au cinéma, qui a dit qu'il n'aimait pas vraiment "les gens comme moi". Le pauvre n'avait pas toutes ses facultés mentales, je l'ai seulement prévenu que Will Smith dans Hancock n'était pas vraiment suédois...
Je n'ai jamais été victime du racisme.



Je vis dans le centre-ville d'une ville moyenne de province. Il n'y a que très peu de communautarisme, des violences rarissimes, et un chômage plus faible que la moyenne. C'est sans doute une chance. Le tissu social et solide et solidaire, comme dans toute bonne et honnête ville socialiste. Ici les gens s'aiment.
En apparence.

En effet, dans la rues, les grand-mères me demandent leur chemin en toute confiance. Et je n'ai jamais eu de souci pour trouver un emploi.
Oui, car moi "je suis de couleur, mais c'est différent."
Phénomène magique. Quand on a un bac+3, qu'on pas d'accent, pas de baggys surdimensionnés ou de filets 97-trucs: et bien on est plus vraiment noir. C'est scientifiquement prouvé. Paraîtrait même que Roselmack deviendrait auvergnat à vue d'œil...
Je n'ai jamais été victime du racisme




Non je n'ai jamais été victime d'un racisme frontal et vulgaire. Je serais au contraire, un quasi produit de la discrimination positive (*).
Le racisme est beaucoup plus insidieux que ça. On ne dit plus "sale noir", ça sonne trop XXième siècle. Mais le malaise est constant. Les blagues fusent pour montrer que le citoyen français est décomplexé par rapport à la question raciale.
Un peu comme mon oncle de Brest, que je n'avais pas vu depuis longtemps. Il m'a accueilli en criant: "hey mon n'veu, t'as tes papiers??!!", avant d'éclater d'un rire tonitruant et de me serrer fort dans ses bras d'ouvrier syndicaliste à la retraite. Sacré tonton, va!
Je n'ai jamais été victime du racisme



Les dealers, de Rennes à Châtelet voient constamment en moi un acheteur de drogue potentiel. Je suis submergé de flyers pour les soirées reggae alors que Bob Marley n'est même pas dans mon I-pod.
Les recruteurs de donateurs, recouverts de K-way médecins du mondes, Aids ou CARE, me prennent pour le messie, pensant que mes cheveux sont un gage d'alter-mondialisme.
Les gens n'arrivent pas à s'imaginer que l'on peut avoir des locks, tout en étant individualiste, carriériste, égocentrique et peu sensible à l'écologie. "Ah ba non, lui il à l'air gentil, il fume de l'afghan, ne loupe aucun meeting de Besancenot, jongle avec des boules de feu en mangeant du tofu, fait de l'humanitaire au Burkina Fasso et joue dans un groupe de ska."
FAUX.

D'un autre côté, je suis la caution roots des étudiants en droit. Je suis le fantasme exotique de jeunes clientes de Maje et Sandro, originaires de Quimper ou Landerneau, en quête de sensations fortes, de sable fin et de rythme de djembés. Je suis l'exception qui confirme la règle dans l'amphi d'Histoire/Sciences Po'.

Mais qui suis-je bordel?
Alors que les jeunes guadeloupéens m'assommaient à coups de "vous les blancs" sur les plages paradisiaques de Marie-Galante; les jeunes bretons me questionnaient à base de "vous les noirs" sur les plages moins paradisiaques de St Malo.
Mais qui suis-je bordel!!!?
"Et bien vous ressemblez à Anthony Kavanagh jeune homme, enfin plutôt à Yannick Noah en fait".
C'est donc ça: "je suis métis, un mélange de couleurs, hoho!!".
YOUPI.
Je n'ai jamais été victime du racisme


Alors tout va bien, ne t'en fais pas.

11 commentaires:

melissa a dit…

ah ah ah ! géniale
j'adore le rythme que t'as instauré dans ton texte.Voulu ou pas ! j'adore
jlai lu d'une traite ;)

Elikia a dit…

Salut, je passe souvent sur ton blog sans laisser de commentaire.
J'aime beaucoup ce billet et ton blog en général.

Corinne a dit…

Juste envie de dire "I am not my hair, i am not this skin, i am not your expectations no..."

Marion D. a dit…

T'es beau Paya. Enfin tu me diras, on ne se connait pas et moi la caution wings épicé je l'ai déjà à la maison, donc aucun intérêt à te dire ça. Mais quand même, j'me suis toujours dis qu'un garçon vert ou noir ou métisse-café-crème (le MC capuccino ...) qui écris ce que j'pense, j'lui dirais qu'il est beau, parce que c'est tellement vrai.

Non sérieux, t'es fort, très fort. T'es un peu le cynisme incarné, quand même. J'aime.

d a dit…

pierre, j adore tes algues, tu le sais
c'est pourquoi j ai décidé que tu allais me les donner
et en échange je te donnerai tous mes légos que j ai gardé expres au cas où je devrais faire un troc
or ce troc est nécessaire
sinon
meme pas tu m appelles pour me raconter tes dernieres aventures , mon coeur pleure
paya MON COEUR PLEURE
ET TOI sur ton rocher breton, embrassant d un oeil brûlant la mer ténébreuse et salée, tu ne me donnes même pas de mouchoir
et je terminerai par un CONNARD, tu n as pas de coeur!
ps: bon article tout comme le précédent avec cette rixe légendaire qui n'a malheureusement pas eu lieu
bisous sur ton nez
force et honneur, à mon signal , déchaine les enfers

Anonyme a dit…

Paya ou l'art de la chute. Comme c'est joliment terminé!
Et puis... attention aux recruteurs de donateurs: dès que les beaux jours pointent leur nez, ils sont tous à l'affût aux stations de métro! Du moins, c'est comme ça en Belgique...

Imène a dit…

C'est incroyablement vrai. Mais en même temps si j'avais eu un k-way rouge Médecin du monde, j'aurai aussi vu en toi le messie *bouuuh*

Je me suis laissée tenter par un artiste d'une compile proposée par tes sois sur le lien skyblog, et depuis Chuck Cissel c'est mon pote. Mais A FOND. Merci.

Paya a dit…

Melissa : Merci. Et voulu? Oui je pense.

Elikia : Bienvenue en tout cas, j'irais jeter un coup d'œil à ton blog. N'hésite pas à repasser.

Corinne: es-tu Corinne K. aka Groovylady ou je me trompe?

Marion: Et bien!! Quel commentaire plein d'entrain, ça fait toujours plaisir. On devrait tous avoir une caution wings épicé à la maison, il est vrai.
Quand au cynisme, plus qu'un ton, c'est un mode de vie.

d: Mes algues poussent depuis la seconde, ce n'est pas pour qu'un sacripant à la masse capillaire proche du néant vienne me les subtiliser subrepticement. Et si je ne t'appelle pas, c'est parce que je suis quelqu'un de méchant et d'occupé.
Mais promis je te call dans le week-end.
Et puis avec ton histoire de rocher et de mer salée, je me suis sentis un peu comme Victor Hugo à Jersey quand il écrivait LES CHÂTIMENTS, pamphlet ultime et venimeux contre le nabot de jadis. Napoléon III, un homme aux attributs sexuels atrocement peu développés, sache-le.

Quant au déchainement des enfers, j'attends patiemment. Avant d'envoyer au monde mon dernier message. Tel Saint Jean en son temps. Homme au discours eschatologique, très peu drôle et mal vêtu.

Canelle: Ah donc toi aussi tu subis ce fléau? Je propose une vengeance physique à l'encontre de ces gens qui sont payés plus que le SMIC et joue de la guitare autour du feu, l'été.

Imène: Mais pourquoi aurais-tu vu en moi le Messie de la solidarité? je suis un individualiste généreux envers les gens qui le valent, c'est tout. Je préfère donner de l'argent à un pote dans la merde, plutôt que pour sauver un arbre en Amazonie contre lequel je ne m'adosserais jamais. Quant à changer le Monde, je préfère faire les choses en GRAND. Oui c'était le coup de gueule du jour.

Sinon je suis vraiment touchée pour Chuck Cissel. Sache que nous devons être parmi les seuls homo sapiens à encore pouvoir citer son nom. Mais t'as vraiment dû fouillé super loin. Je te remercie pour cela.

Anonyme a dit…

Oui je suis victime de ces rapaces qui, comme tu dis, viennent te réclamer de l'argent alors qu'en fait, eux, contrairement à ce que mon âme naïve, pure & innocente pensait, ils ne font absolument pas ça bénévolement. C'est tout simplement honteux ! REVOLUTION ! Le pire, c'est que je suis tombée dans le piège la fois passée et je me suis retrouvée à donner de l'argent à Médecins du monde (je me suis consolée en disant que c'était ma BA du mois). Elle voyait bien que j'attendais mon bus la vipère, donc j'étais presque obligée de l'écouter. Mais voilà, une fois qu'on les laisse s'exprimer, c'est foutu ! Ils ont une imagination débordante et sont parés à toute forme de réticence ! Je priais désespérément pour que mon bus arrive avant que je ne donne mon n° de compte... mais en vain. Triste vie.

thomas a dit…

yeah!

Agy a dit…

T'aurais pas des feuilles brotha ?!

(Excellent au passage ! Très même !)