lundi 27 avril 2009

Bouffée de chaleur




De toute façon, ils vont tous mourir. La grippe porcine. Un truc idiot que les mexicains ont mis à la mode. Parait-il que ça se diffuse mieux que les sombreros et presque aussi bien que la coke. Ça les tuera tous. Beaucoup moins glamour que les sauterelles dans les 10 plaies d’Egypte. Moins drôle que Mars Attack.

Ce sera progressif, salissant. Personne ne prendra le temps de s’amuser avant. Trop occupés à tousser du sang. Obama mourra jeune, lui aussi.
L’Homme cédera à la panique. Surpris et apeuré. La crise.

Aucun sens de l’humour ni de l’esthétique. L’Homme ne mettra pas en scène sa fin, il subira. Quel profond manque de cynisme et de second degré! C’est désolant.


Bien sûr il y aura toujours une frange d’Irréductibles. Ils trouveront dans la situation une source infinie de créativité et d’amusement. Ce seront des sortes de hippies, mais mieux habillés et plus actifs. Théâtre de l’absurde, folles farandoles, encyclopédie du Rien, match de rugby à 200 dans un cimetière pour chiens hindous. Des types taggueront l’Elysée à l’effigie de Lénine, et certains cadres jetteront cravates et attachés-cases dans la Seine. Avec la même rage que le FN en 1995. Sauf que la cravate s’appelait alors Brahim Bouarram...

Les intellectuels Irréductibles écriront un Traité de la fin des temps, auxquels participeront des lettrés de tout bords et de toutes obédiences.
Des photographies géantes de Man Ray recouvriront les façades des boutiques sur les Champs-Elysées.
Omar et Fred se pendront avec un fil de téléphone pendant le S.A.V sur Canal+.
Bernard Henri-Lévy fera un sketch sur les arabes dans le hall de l’Hôtel Costes. Il crachera du sang dans son verre de Martini sec, et mourra « sur scène », devant deux vigiles vêtus de noir, mastiquant des cure-dents les yeux dans le vide.
Eric Besson, traître et accessoirement Ministre de l’Immigration sera pendu place de la Concorde par des Irréductibles, on jouera au base-ball avec ses organes au jardin des Tuileries. Les frontières seront donc totalement ouvertes. Mais les sénégalais préféreront mourir au Sénégal, et les kurdes au Kurdistan. Et c’est normal.


Alors ces Irréductibles créeront, riront. Un peu. Mais pas longtemps. Ils mourront avant les autres. Car ils sont maigres.


Puis les Réductibles, l’immense majorité du genre humain, périra à son tour. La graisse de l’homo sapiens empestera les rues sous l’effet de la canicule record d’août 2010. Paris sera submergée par un remugle infernal. Cette odeur ne pourra être le fruit de la décomposition humaine. Non, cette puanteur sera transcendantale. Elle annoncera la fin de toute chose, car les atomes aussi dépériront, en même temps que l'Etre Humain périclitera.





Je n’aimerai plus personne. J’écrirai beaucoup. Je volerai des Oreo chocolat blanc dans les supermarchés désertés. Je ne comprendrai pas les raisons de ma survie. Je serai champion du monde d’athlétisme, assez facilement d’ailleurs.

Il ne restera plus personne.

Sauf un dernier Homme qui jouera un cantate de Bach sur un piano à queue Pleyel, place du Trocadéro. Mais lui aussi s'effondrera sur son instrument dans un fracas assourdissant. Je souhaiterai alors perdre mes Cinq Sens.

Mais bien sûr je te rencontrerai. Parce que le futur ressemblera à un immonde téléfilm américain stéréotypé.

Tu auras les cheveux sales, et tu ne parleras pas. Je te considérerai comme une bohémienne muette, et on apprendra à se connaître par cœur, dans ce silence de mort, sous un soleil éclatant. Tu feras souvent des malaises, par manque de glucides sûrement. Pendant l’amour tu susurreras, mais le sens de tes mots m’échappera. Toi non plus tu n’auras pas la grippe porcine, car tu es une légende. Cochonne, sûrement. Truie, jamais.



En 2011, l’ennui me gagnera,et les 6 milliards de cons me manqueront. Ton corps perdra de sa rondeur et donc de sa vie. Tu feras mal l’amour et sera asthmatique. Je ne caresserai plus le bas de ton dos, et passerai mes journées à la Bibliothèque François Mitterrand. M’enfermant dans ce carcan de savoir qui n’aura plus aucun sens, je vieillirai à vue d’œil. Tu aimeras mes locks blanches et mes ridules naissantes.

Pour te faire plaisir, on se mariera nus un après-midi d’hiver, sans prêtre, à Notre-Dame de Paris.

J’entendrai le bruit de ta boite crânienne heurtant cette plaque de verglas sur le parvis. Ta petite couronne de camélias blancs n’amortira pas ta chute. Tu ne changeras donc jamais. Tu gâcheras tout, irrémédiablement,quoique. Et cette scène se déroulera au ralenti, plan serré, HD, Dolby Surround. Cliché.

Ton hémoglobine se mélangera au minuscule dépôt de neige jonchant le sol. Je n’aime pas le sang, ni les adieux. Donc je partirai. Nu. Seul.
Je ne te vois plus tu es morte. (*).
Tu n'as jamais écouté mon discours sibyllin, c'est bien fait.

Je marcherai alors en grelottant pendant deux heures, jusqu’au Parc des Buttes Chaumont où je t'avais rencontré. Alors que je gravirais les marches du Temple de la Sybille, j’oublierai la date de la mort de César, et je t’ai déjà oublié TOI.

Ce soir-là, avec la conscience de la mort approchante, j’admirerai ce royaume composé du RIEN absolu. Je me rappellerai du Roi Lion. Je ne pleurerai pas. Je ne parlerai plus. J'arrêterai de me plaindre.
En position du fœtus, je recouvrirai mon visage de ma chevelure, et j’attendrai.


Et dire que je n’ai jamais vu Tokyo.