mercredi 8 avril 2009

Aujourd'hui j'ai failli tuer un homme


En fait, j'ai failli en tuer deux.

Mon objectif était pour simple, louable et pacifiste. Je devais me rendre dans le bureau d'un professeur pour y passer mon exposé sur les places royales à l'époque moderne. Théoriquement : une promenade de santé.

C'était sans compter sur le vent de contestation qui souffle sur les plaines, de la Bretagne armoricaine sur l'université depuis plus de 8 semaines déjà.
Et moi qui m'en allais, guilleret, prêt a disserter sur l'urbanisme et l'absolutisme, du funk dans les oreilles. Quelle naïveté...

Alors que je m'apprête à ouvrir les porte du bâtiment apparemment désert, surgissent deux êtres humains. Des ÉTUDIANTS plus précisément.

Je les analyse très brièvement. Neutres, environ 23 ans au vu de leur pilosité, forcement étudiants en sciences sociales ou humaines. L'un porte un genre de K-Way bleu froissé, l'autre porte des godasses aussi charismatiques qu'un épi de maïs, surement acquises à
La Halle aux Chaussures, dans un centre commercial glauque, le samedi après-midi, pendant que maman remplissait son caddie chez Carrefour.
Ils n'ont pas l'air bien méchants, j'aurais peut-être même pû m'entendre avec eux. Un autre jour. A un autre endroit. Sans K-Way.

Et les voilà qui semblent vouloir communiquer. J'ôte mes écouteurs, et affiche une moue de type prêt à entendre ce que l'autre veut dire, mais pas trop non plus.

Sans bonjour ni bonsoir. Sans tambours ni trompettes: "Tu passes pas, c'est bloqué. Tu trouveras sûrement une autre porte pour rentrer, mais pour celle-là c'est mort."

Je ne pipe mot, et les dévisage de pied en cap. Longtemps.


Au vu de leur carrure, c'était le genre de mecs qui étaient forts au ping-pong au collège. Des mecs qui ont mal mué à l'adolescence, des mecs à l'implantation pileuse aléatoire, des mecs taillés en I.


Je n'ai pas très envie de rentrer dans le bâtiment par un trou à rat, ni de les supplier de quoi que ce soit. Du moins pas à cause de jeunes hommes qui lisent des bouquins sur le mouvement autonome allemand, et qui portent des badges "FUCK LES OGM".
De plus j'avais vraiment envie (et besoin) d'activité physique, et de ma dose d'adrénaline hebdomadaire. Mais ne le cachons pas: bien sûr la vraie raison est que je voulais vérifier si la technique "des 5 pointes et la paume" vue dans Kill Bill 2, provoque bien une explosion du cœur.

C'est alors que l'un de deux me sort avec le plus de diplomatie possible :"je pense que tu ferais mieux de rentrer chez toi."


Mon cœur s'accélère, mes poings se crispent, mon esprit s'emballe.
Des idées et des paroles défilent frénétiquement dans ma tête.

[Lemoinsbeaujourdetavielesnuagess'épaississentetleciel senoircit6millionsdefaçonsdemourirpourlesbloqueursdujourchoisitenunesit'aspaspeurdu toutsonneztrompettesetraisonnezclaironsPayafunkàledonpourfairepleurerles mômesalorsouvrezlecieletfaitestomberlesbombessortezlestanksetfaitescreuserlestombes
C'est la panique, fusil chargé à la foi en moi, j'shoote du charisme en l'air et tombe par terre de joie.


Je me relève, saisi la face du plus petit et lui brise la mâchoire à l'aide de mon genou droit. Alors que l'autre essaye de me tirer les locks, je lui déboite la rotule avec la pointe de mes sneakers. Il essaye de me parler, mais je lui écrase son visage ingrat contre une poubelle en pierre. Merde, je déteste le sang. Et les pleurs aussi.
Le plus petit tente de me dire un truc, en pointant l'index dans ma direction. Il articule mal. J'entends "xxxxxx noir xxxxx xxx pourquoi xxxx xxxx sale sarkozyste". Je lui envoye un énorme coup de coude dans le plexus. Je reçois sa salive sur mon pull. Il se tait. MERDE.
Quand j'essaye de vociférer une insulte, je ne parviens qu'à bafouiller. A défaut de mots, je lui crache à sa face ensanglantée. Ça désinfecte. Un douleur m'envahit le bassin. Je ramasse mes cours, pénètre dans la bâtiment et m'allume une clope. Rien à foutre. FUNK YOU.]

Je lève les yeux vers les types. Ça fait 10 secondes que je n'ai pas bouger. L'un d'eux me demande si j'ai pas du feu. Ce con ignore que je ne fume pas.
Je réponds "vous n'aller vraiment pas me laisser entrer?".
"Non mec, désolé, c'est mort de chez mort" me rétorque le moche au K-way froissé.
Je souris.
Et entre sous leur regard médusé.

Les bloqueurs ne tiennent jamais leurs promesses. Ce sont des p'tites princesse qui disparaissent quand sonnent les 12 coups.


lundi 6 avril 2009

J'ai fait l'con (suite)


Non je n'ai pas été victime d'un attentat du Betar, j'ai survécu à cette rencontre à haut risque.


Rendez-vous jeudi 2 avril à 20h. Parking miteux devant le cinéma dans lequel je travaille. Regards sceptiques de certains collègues, passant incrédules. Des types barbus et d'autres non, parfois encapuchonés, rejoignent le point de ralliement. Mines patibulaires, regards circulaires.

L'équipe de Dieudonné nous remarque et nous propose de les suivre. Tous d'origine maghrébine, accueillants, même si l'un deux fait au moins le poids d'une Fiat Panda.
On nous annonce que la conférence sur le liberté d'expression tant attendue, sera plutôt un spectacle en fait. Hésitation.

Nous pénétrons dans un vieux bus aménagé de façon spartiate...moyennant 25 euros.
Une quarantaine d'inconscients s'entassent dans le véhicule contigu, que Dieudo baptisa Rosa Parks Bus, sans doute le seul bon mot de la soirée.

Ambiance bon enfant, moyenne d'âge de 35 ans, le spectacle se déroule en accéléré. Je l'ai déjà vu, tant pis, je ris quand même. Les 25 euros y sont pour beaucoup.
Un bon coup de stress quand une moto pétarade près du bus, l'artiste est parfois tendu, donc nous aussi. Surtout qu'un type dans le bus porte un genre de gilet par balle, mauvaise blague, ou goût vestimentaire extrêmement douteux, nul ne le saura jamais.
Une heure après, c'est fini. A part l'ambiance intimiste et quelques vannes adressées personnellement aux spectateurs, il n'y a pas de quoi casser trois pattes à un canard laqué.


Point de conférence, nous sommes invités poliment à quitter le bus en possession d'une affiche dédicacée.
Quand j'essaye de le lancer sur le débat des élections européennes à venir, il me renvoie un laconique :"on verra c'qu'on peut faire."

Puis il lance quelques remarques justes au sujet de la conscience, de la complaisance, de la passivité, avant de s'éteindre à nouveau.

Le coup de grâce est lancé quand un intrépide l'interpelle au sujet de Bernard Henri-Lévy. Notre ami chocolat, pèlerin de la farce et du bon mot, fuit en rigolant.
"Merci d'être venu" nous lance-t-il avant de grimper dans une Chrysler de la taille d'une chambre d'étudiant.

Et je garde l'image de ce bus rouillé, qui semble s'être embourbé dans des neiges...éternelles.