jeudi 17 juillet 2008

Art Discount




L'Art, le Travail et l'Entreprise. Voici les thèmes abordés par la biennale d'art contemporain de Rennes, notamment dans son exposition phare: Valeurs Croisées.

Je n'ai aucun repère en matière d'art contemporain, ayant de regrettables lacunes dans ce domaine, c'est en parfait néophyte et avec une humilité jamais vue chez moi que je passe les portes de ce vaste ancien couvent de jacobins, mystérieux lieu de l'exposition.
C'est sûr un coup de tête, seul, en plein après-midi que j'ai pris cette décision qui m'aurait paru inimaginable quelques minutes auparavant. Mais l'affiche placardéE dans les moindres recoins de la ville en suggérait trop et n'en montrait pas assez. Et puis merde, j'avais 20 ans et un jour, c'était maintenant ou jamais.

A tâtons, j'explore, j'ouvre grand les mirettes, je ris tout seul parfois. L'impression gênante de souiller un sanctuaire pour initiés s'estompe au fur et à mesure que je familiarise avec l'endroit. Je me rappelle alors mes laborieuses recherches sur André Malraux au semestre précédent; il parlait de "choc esthétique", de la valeur universelle de l'art, bonheur accessible à tous, que n'importe quel quidam devant une bonne œuvre pouvait être interpellé par le travail de l'artiste, sans éducation artistique intermédiaire. Je commençais à comprendre ce charabia, à déculpabiliser.

Je ne vais pas raconter cette exposition car j'en serait techniquement incapable. Je peux cependant dire que j'imagine qu'elle vaut le coup d'œil pour tout les rennais, même non-artistes. Je ne peux pas dire si elle était bonne ou mauvaise, je n'en ai jamais vu d'autres.
Je peux simplement dire que ces œuvres, valorisées par ce lieux sans âge et une ambiance sonore totalement surréaliste ne m'ont pas laissé indifférent. C'était une sensation tout autre qu'au cinéma, au théâtre ou à un concert. C'était intérieur. Mais j'ai ressenti quelque chose.
Quelque chose que je ne maitrisais pas que je ne connaissais pas. Avec l'étonnement et la candeur d'un enfant.

[Je laisse les rares images que j'ai pu trouvé sur Internet (malheureusement pas les meilleures) parler à ma place. Le mieux serait d'admirer ces œuvres en trois dimensions, en se contentera de photos. ]




L'exposition se clos avec une grande toile sur laquelle est peinte: " Vous ne repartirez pas sans problèmes, vous repartirez avec des problèmes de meilleure qualité"



Ils ont dit vrai.

Putain c'était bon!
Je recommence?


mardi 15 juillet 2008

Amenez-moi Freud sur le champ!...de bataille


Hier je suis allé au cinéma. En fait, un peu comme tout les jours étant donné que le cinéma est mon lieu de travail. Je consomme donc les films comme un boulanger consomme des pains au chocolat. Par réflexe, souvent pour passer le temps, pendant une pause, mais aussi parfois avec grand appétit.
Je préfère déguster que dévorer.
Les aliments qui laissent un goût amer sont parfois les meilleurs, il faut juste faire un tout petit effort. Prendre son temps.

Le petit effort qui consiste à troquer le fast-food pour de la Cuisine digne de ce nom. C'est un peu le même effort qui consiste à se rendre dans la salle d'art et essai plutôt que dans son habituel multiplexe (bien sûr à Paris on peut trouver de l'art et essai pas trop pointu dans les multiplexes, mais c'est une autre affaire en province.)


Il n'y a pas que Hancock qui détruit des bâtiments pour sauver le monde...malheureux dommages collatéraux. Dans la même catégorie, l'armée israélienne ainsi que le phalangistes chrétiens ont fait assez fort au Liban en 1982...


En allant voir
Valse avec Bachir, je m'attendant à une simple version israëlo-libanaise du délicieux Persépolis. Il n'en fût rien. Ari Folman n'a pas la malice Satrapi. On ne rit pas devant ce film d'animation.
L'histoire est celle d'un israélien, ancien vétéran du Liban, qui essaye de se rappeler de la campagne militaire à laquelle il a pris part 20 ans auparavant. Guerre que sa mémoire à occulté, modifié ou magnifié. Pour cela, Boaz s'entretient avec des psychiatres ou d'anciens vétérans qu'il aurait côtoyé durant la guerre, et rempli ainsi les cases manquantes de sa mémoire jusqu'au fatidique massacre de Sabra et Chatila.

Freud et son inconscient viennent donc au secours du soldat, de l'Histoire et de la Mémoire. Problématique que j'ai eu le plaisir de traiter maintes fois en Sciences Politiques...

On peut tous faire une parabole avec notre propre vie. Notre mémoire, nos souvenirs, constamment biaisés par notre inconscient. Notre 10è anniversaire était-il si joyeux? Notre premier baiser si succulent? Ce vaccin contre la tuberculose en primaire était-il si douloureux? Combien de disputes oubliées ou au contraire emphasées ? Est-ce que notre cher Boaz a vraiment été un héros pendant cette guerre? A-t-il participé au massacre de Sabra et Chatila? Je vous laisse le découvrir par vous-même.

Bien évidemment, les problèmes traités dans Valse avec Bachir sont plus dramatiques, il s'agit bien là de guerres, de territoires, religions, politiques et de violence.
Le film n'est pas juste une dénonciation d'un régime, d'un groupe d'hommes ou des massacre en eux-mêmes.
C'est tout d'abord le portrait d'israéliens un peu perdus, ne sachant pas trop ce qu'ils faisaient au Liban, se battant contre un vague ennemi comme lors de la plupart des guerres, donc contre tout le monde sauf eux-même; partant la fleur au fusil comme les jeunes français en 14. Un film israélien dans lequel les israéliens on le rôle des bourreaux, avec la culpabilité qui va avec, fait encore très rare six décennies après la Shoah.


Ce que je craignais dans ce genre de film quasi dépourvu d'humour, d'ironie et de cynisme: c'est de tomber dans la complainte pathétique. Enorme écueil que le réalisateur évite avec brio, malgré un ton très "premier degré" on ne tombe pas dans un pathos gluant et larmoyant. Le film reste digne et infiniment poétique, grâce à une qualité d'animation rarement vue. Le dessin rappelle Joann Sfar et son
Chat du rabin en plus chatoyant. Le Beyrouth de 1982, à feu et à sang devient la scène géante d'un spectacle de son et lumière, exercice pyrotechnique bien plus saisissant que ceux auxquels nous avons la joie de pouvoir assister en ces temps de fête nationale. Le tout agrémenter d'une B.O absolument décalée (sans doute la seule source d'humour du film) et de dialogues en hébreux, langue râpeuse qui chatouille l'oreille comme on effleure un bouton de moustique: ça gratte mais c'est agréable.

Même dans ce magnifique écrin, le film est cru, dur, beaucoup trop vrai,la pression monte au fur et à mesure jusqu'à une apothéose quasi-gênante.

Mes yeux restent rivés sur l'écran tout le temps du générique sans que ma paupière inférieure disent bonjour à sa voisine du haut. Mes membres semblent vouloir rester solidaires à ce moelleux fauteuil. Ma tête est à Beyrouth.


J'avais dit que je ne me ferais jamais avoir par un film sur la guerre, c'est trop pathétique. Mais Ari Folman à réussi là où De Palma à échoué avec son
Redacted passé inaperçu il y a quelques mois. J'étais bluffé.

Je sors de la salle, l'air hagard, agressé par la blanche lumière du jour. Seul dans un rue pavée un dimanche après-midi. Je suis soudainement surpris par la répétition d'un rythme dans un rue voisine "1,2,1,2,1,2!". Et me voici nez-à-nez avec avec des centaines de types costumés et armés jusqu'aux dents. A Rennes, le défilé à lieu le 13 juillet, j'avais oublié...
Des pères de familles robustes tiennent des enfant sur leurs larges épaules, chers petites têtes blondes qui tiennent de jolis petits pulls marine noués sur leurs frêles petites épaules, agitant un drapeau français miniature à la main, célébrant des machines de guerre. "Papa, tu crois que monsieur là, il a déjà tué une autre monsieur avec son fusil?".

On applaudit. On rit. C'est la fête. Une fête NATIONALE! BOOM, BOOM, PAN, PAN!! BRAVOOOO.
Oh la belle rouge!