mercredi 4 février 2009

La cour des miracles






[Je vous écris alors que tombent enfin les premiers flocons de neige sur mon doux visage, un truc blanc et humide qui vient se fourrer dans vos locks dès le matin et qui ne fait marrer plus que les enfants.]

Tout les jours je côtoie la misère. Je la touche du bout du doigt, l'effleure avec autant de dégout que de pitié, par obligation. Je sens l'odeur du clochard qui ne se lave qu'à chaque éclipse de soleil, je fuis son regard jaune et oblique.
Que puis-je faire pour cette famille visiblement frappée par les malheurs de la génétique si ce n'est hocher discrètement la tête à leur passage?
Je subis le beauf' pour qui le mot subjonctif doit être une maladie vénérienne ou une insulte en hongrois.
J'ai peur pour l'enfant au visage sale, aux cheveux en bataille et à la bave aux lèvres, je sais son avenir condamné.
Quant à cette grand-mère à la mémoire effroyablement courte et aux gestes saccadés, elle m'épuise à chercher inlassablement le dialogue.
Et ce type seul, toujours seul, qui semble avoir honte de vivre, pourquoi et pour qui existe-t-il?
Le pire c'est peut-être la famille trop nombreuse qui croule sous les dettes à vue d'œil, elle sent la reconstitution à plein nez, un peu comme un mauvais steak haché de cantine.

Et c'est comme ça tout les jours. L'envers du décor. Une crasse à peine dissimulée. Je suis témoin de l'indicible.

Des prostituées, des lascars de provinces habillés en Rivaldi, des types qui n'ont pas réussi à obtenir le Brevet des collèges, des chômeurs neurasthéniques, des grosses dames qui suent en hiver, des hommes aux visages balafrés par une lame et par le temps, des gars sans genoux, des vieilles en fin de vie, des punks saouls, des gothiques désœuvrés, des types avec des katanas, des pères au visage rouge et au ton trop autoritaire, des autistes monomaniaques, cet homme avec une tumeur faciale grosse comme le joujou de Nadal, ce trentenaire tout droit sorti d'un très mauvais porno vintage italien, ces hommes d'affaires las et esseulés, ces ados ravagées par les hormones, ce type pleurant et criant parce que l'hôpital psychiatrique lui a donné des "médocs qui rendent encore plus fou", ces manouches au langage incroyables, ces types en survèt' qui gueulent pour demander si il y a du whisky devant leurs femmes éhontées, ce vieux qui fait du "breakdance" en saignant du nez, ces morts...VIVANTS.

Je leur demande le plus gentiment possible : "Que puis-je faire pour vous?", puis je me lave les mains abondamment, frénétiquement, infiniment.

Je travaille dans un cinéma.

dimanche 1 février 2009

Jet d'acide


Mais regardez moi ce cliché puant, illustrant un film qui l'est non moins (à mon avis). Non mais sérieusement, cette image digne d'un paquet de Kinder édition spéciale SPA et Discrimination Positive. Et oui, je parle de ce film dans lequel même LE CHIEN est à moitié noir, et tout à fait mourant: Sept Vies.

Je ne suis pas du genre à cracher sur tout ce qui bouge, je ne suis pas un aigri ou un élitiste mais là c'est trop. Voilà que les gens me sollicitent dans la rue, "mais Paya, à ce qu'il parait t'as pas aimé Sept Vies, pourquoi tant de haine?" chose à laquelle je répondais par un haussement d'épaules et une moue peu significative, voire un bâillement.

Bien sûr, "tout les goûts sont dans la nature", mais il serait tant de la protéger un peu la nature. Je reconnais l'efficacité de ce film, vu qu'à la sortie de la salle, la plupart des êtres humains chialent ou veulent s'inscrire au Don du Sang.

Mais alors: où le bât blesse? Un peu partout à vrai dire.

Commençons par le moins pire, à savoir le jeu des acteurs. On ne peut pas reprocher grand chose à Rosario Dawson, si ce n'est son teint tout à fait ignoble, mais c'est voulu par le film. Quant à Will Smith, à l'instar de sa partenaire, il fait son boulot, ni plus ni moins. Le hic, c'est qu'il semble que sur le contrat des acteurs, une clause stipulait "faites chialer les violons, baignez dans le pathos jusqu'au cou, ne changez pas de registre, et surtout: AUCUNE NUANCE dans votre jeu, merci d'avance". Les pauvres, avec le respect que j'ai pour eux, ils ont fait leur devoir, et plutôt bien.

Le vrai problème: c'est la réalisation et le scénario. Entre un réalisateur italien de seconde zone à la filmographie tout à fait hasardeuse et le scénariste de...Sabrina l'apprentie sorcière (!!!) la fine équipe était au complet.
Couleurs moches et effets de flou et de zoom grossiers, la réalisateur prend la spectateur passif par la main pour lui montrer ce qui est bien ou pas bien, beau ou pas beau. Et c'est cette dualité manichéenne qui guide la filme tout du long.
Ce long métrage dont l'élément déclencheur n'apparait qu'à 20 minutes de la fin, sûrement dans la volonté d'entretenir un pseudo-suspens, est outrageusement moralisateur. Oui, outrageusement. Ça suinte les valeurs judéo-chrétiennes d'un autre siècle, la vieille Amérique bien pensante et sclérosée que j'espérais enterrée à jamais. Le Bien et le Mal, le Destin, Le Jugement, La Punition, La Récompense, le Culpabilité, la Rédemption voilà les seuls thèmes du films. Ah oui, saupoudrez un peu d'Amour, j'avais oublié.
Mais si le dessein du film est moralisateur, le moyen lui, est pathétique au sens premier du terme. Et ça c'est encore pire.

Ce personnage de Will Smith, héroïque, quasi messianique, fort mais perfectible, qui agit par simple bonne conscience, dans le total don de soi et sans rien attendre en retour,;et bien il attendri la jeune demoiselle en fleur, touche la ménagère fan d'Harry Roselmack, et fait réfléchir le Bad Boy qui regardait Le Prince de Bel Air en primaire.

D'un côté c'est bien. Mais ce film, qui procèderait presque d'un diktat des valeurs morales sous forme d'un douce propagande culturelle diffusant une idée universelle du Bien et du Mal, parole d'Evangile, m'a terriblement gêné.

Sans forcement aller jusque là, c'est un un putain d'attentat à la capacité de discernement du spectateur mélo horriblement poussif comme il faudrait ARRÊTER d'en faire.

[Oui, je me sentais seul.]